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LE ROI DU MONDE
INDEX

In-18 de 136 pages (1927 ; 2e édition)

Une des idées dominantes de l?oeuvie de René Guénon est la communauté d?origine des traditions initiatiques et religieuses de l'humanité et, par suite, d'une Tradition primitive, source unique ayant donné naissance à tous les grand courants orthodoxes qui ont, au cours des âges, alimenté la vie spirituelle des hommes et. fourni les bases a toutes les civilisations normales.
Cette Tradition Primordiale, qui est comme la manifestation de la « Volonté du Ciel » dans notre monde, doit être nécessairement conservée dans son intégralité par un « centre » spirituel qui demeure inaffecté par les vicissitudes cycliques.
C?est à ce « centre suprême » dont la localisation fut longtemps hyperboréenne et même «polaire» mais qui est actuellement caché (l?Agarttha dont. ont parlé Saint-Yves d'Alveydre et F. Ossendowski d'après des renseignements de sources hindoue et mongole), c'est à ce Centre Suprême et à son chef le « Roi du Monde » (le Manu de la tradition hindoue) qu?est consacrée 'la présente étude.
C'est, l'occasion pour l'auteur d'exposer les théories de la Kabbale sur les influences spirituelles et les intermédiaires métaphysiques, d'élucider deux passages particulièrement énigmatiques de la Bible : l'investiture d'Abraham par Melchissedec et l'hommage rendu au Christ naissant par les Rois-Mages de restituer la signification profonde de la légende du Graal et de celle, plus méconnue encore du Prêtre Jean.

http://www.index-rene-guenon.org/Access_book.php?sigle=RM&page=7



NOTIONS SUR L « AGARTTHA » en OCCIDENT p. 7
ROYAUTÉ ET PONTIFICAT p.13
LA « SHEKINAH » ET « METATRON ». p. 22
LES TROIS FONCTIONS SUPRÊMES. p. 31
LE SYMBOLISME Du GRAAL p. 40
« MELKI-TSEDEQ » p. 47
« LUZ » OU LE SÉJOUR D'IMMORTALITÉ p. 59
LE CENTRE SUPRÈME CACHÉ PENDANT LE « KALI-YUGA » . p.67
L' « OMPHALOS » ET LES BÉTYLES . p.72
NOMS ET REPRÉSENTATIONS SYMBOLIQUES
DES CENTRES SPIRITUELS. p.82
LOCALISATION DES CENTRES SPIRITUELS p. 88
QUELQUES CONCLUSIONS p.95



CHAPITRE VI
« MELKI-TSEDEQ »

CHAPITRE VI

« MELKI-TSEDEQ »

Il est dit dans les traditions orientales que le Soma, à une certaine époque, devint inconnu, de sorte qu'il fallut, dans les rites sacrificiels, lui substituer un autre breuvage, qui n'était plus qu'une figure de ce Soma primitif ; ce rôle fut joué principalement par le vin, et c'est à quoi se rapporte, chez les Grecs, une grande partie de la légende de Dionysos . Or le vin est pris souvent pour représenter la vraie tradition initiatique : en hébreu, les mots iaïn, « vin », et sod, « mystère », se substituent l'un à l'autre comme ayant le même nombre ; chez les Sûfîs, le vin symbolise la connaissance ésotérique, la doctrine réservée à l'élite et qui ne convient pas à tous les hommes, de même que tous ne peuvent pas boire le vin impunément. Il résulte de là que l'emploi du vin dans un rite confère à celui-ci un caractère nettement initiatique; tel est notamment le cas du sacrifice « eucharistique » de Melchissédec, et c'est là le point essentiel sur lequel nous devons maintenant nous arrêter.

Le nom de Melchissédec, ou plus exactement MelkiTsedeq, n'est pas autre chose, en effet, que le nom sous lequel la fonction même du « Roi du Monde » se trouve expressément désignée dans la tradition judéo-chrétienne. Nous avons quelque peu hésité à énoncer ce fait, qui comporte l'explication d'un des passages les plus énigmatiques de la Bible hébraïque, mais, dès lors que nous nous étions décidé à traiter cette question du « Roi du Monde », il ne nous était véritablement pas possible de le passer sous silence. Nous pourrions reprendre ici la parole prononcée à ce propos par saint Paul : « Nous avons, à ce sujet, beaucoup de choses à dire, et des choses difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus lents à comprendre. »

Voici d'abord le texte même du passage biblique dont il s'agit : « Et Melki-Tsedeq, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin; et il était prêtre du Dieu Très Haut (El Élion). Et il bénit Abram, disant Béni soit Abram du Dieu Très-Haut, possesseur des Cieux et de la Terre; et béni soit le Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. Et Abram lui donna la dîme de tout ce qu'il avait pris. »

Melki-Tsedeq est donc roi et prêtre tout ensemble; son nom signifie « roi de Justice », et il est en même temps roi de Salem, c'est-à-dire de la « Paix »; nous retrouvons donc ici, avant tout, la « Justice » et la « Paix », c'est-à-dire précisément les deux attributs fondamentaux du « Roi du Monde ». Il faut remarquer que le mot Salem, contrairement à l'opinion commune, n'a jamais désigné en réalité une ville, mais que, si on le prend pour le nom symbolique de la résidence de Melki-Tsedeq, il peut être regardé comme un équivalent du terme Agarttha. En tout cas, c'est une erreur de voir là le nom primitif de Jérusalem, car ce nom était Jébus; au contraire, si le nom de Jérusalem fut donné à cette ville lorsqu'un centre spirituel y fut établi par les Hébreux, c'est pour indiquer qu'elle était dès lors comme une image visible de la véritable Salem; et il est à noter que le Temple fut édifié par Salomon, dont le nom (Shlomoh), dérivé aussi de Salem, signifie le « Pacifique ».
Voici maintenant en quels termes saint Paul commente ce qui est dit de Melki-Tsedeq : « Ce Melchissédec, roi de Salem, prêtre du Dieu Très-Haut, qui alla au-devant d'Abraham lorsqu'il revenait de la défaite des rois, qui le bénit, et à qui Abraham donna la dîme de tout le butin; qui est d'abord, selon la signification de son nom, roi de Justice, ensuite roi de Salem, c'est-à-dire roi de Paix; qui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n'a ni commencement ni fin de sa vie, mais qui est fait ainsi semblable au Fils de Dieu; ce Melchissédec demeure prêtre à perpétuité »

Or, Melki-Tsedeq est représenté comme supérieur à Abraham, puisqu'il le bénit, et, sans contredit, c'est l'inférieur qui est béni par le supérieur ; et, de son côté, Abraham reconnaît cette supériorité, puisqu'il lui donne la dîme, ce qui est la marque de sa dépendance. Il y a là une véritable « investiture », presque au sens féodal de ce mot, mais avec cette différence qu'il s'agit d'une investiture spirituelle; et nous pouvons ajouter que là se trouve le point de jonction de la tradition hébraïque avec la grande tradition primordiale. La « bénédiction » dont il est parlé est proprement la communication d'une « influence spirituelle », à laquelle Abraham va participer désormais; et l'on peut remarquer que la formule employée met Abraham en relation directe avec le « Dieu Très-Haut », que ce même Abraham invoque ensuite en l'identifiant avec Jehovah . Si MelkiTsedeq est ainsi supérieur à Abraham, c'est que le « Très-Haut » (Elion), qui est le Dieu de MelkiTsedeq, est lui-même supérieur au « Tout-Puissant » (Shaddaï), qui est le Dieu d'Abraham, ou, en d'autres termes, que le premier de ces deux noms représente un aspect divin plus élevé que le second. D'autre part, ce qui est extrêmement important, et ce qui semble n'avoir jamais été signalé, c'est qu'El Êlion est l'équivalent d'Emmanuel, ces deux noms ayant exactement le même nombre ; et ceci rattache directement l'histoire de Melki-Tsedeq à celle des « RoisMages », dont nous avons expliqué précédemment la signification. De plus, on peut encore y voir ceci : le sacerdoce de Melki-Tsedeq est le sacerdoce d'El Élion : le sacerdoce chrétien est celui d'Emmanuel; si donc El Êlion est Emmanuel, ces deux sacerdoces n'en sont qu'un, et le sacerdoce chrétien, qui d'ailleurs comporte essentiellement l'offrande eucharistique du pain et du vin, est véritablement « selon l'ordre de Melchissédec ».

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