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LIVRES
L'HOMME ET SON DEVENIR
SELON LE VEDANTA
INDEX

Généralités sur le Vêdanta p.13
Distinction fondamentale du « Soi » p.et du p.« moi > p.29
Le centre vital de l'être humain, séjour de Brahma p.41
Purusha et Prakriti p.49
Purusha inaffecté par les modifications individuelles p. 57
Les degrés de la manifestation individuelle p.63
Buddhi ou l'intellect supérieur p. 71
Manas ou le sens interne ; les dix p.facultés externes de sensation et d'action p.75
Les enveloppes du « Soi » ; les cinq vâyus ou fonctions vitales p.83
Unité et identité essentielles du p.« Soi » dans tous les états de l'être p.89
Les différentes conditions d'Atmâ dans l'être humain. p.97

L'état de veille ou la condition de Vaishwânara p.101
L'état de rêve ou la condition de Taijasa p.107
L'état de sommeil profond ou la p.condition de Prâjna p.115
L'état inconditionné d'Atmâ p.123
Représentation symbolique d'Atmâ et p.de ses conditions par le monosyllabe sacré Om ... p. 131
L'évolution posthume de l'être humain p.137
La résorption des facultés individuelles p.145
Différence des conditions posthumes suivant les degrés de la Connaissance p.151
L'artère coronale et le « rayon solaire » p.159
Le « voyage divin » de l'être en voie de libération p.167
La Délivrance finale p.183
Vidêha-mukti et jîvan-mukti p.191
L'état spirituel du Yogî : l'« Identité Suprême » p.201

INDEX DES TERMES SANSKRITS p.207
http://www.index-rene-guenon.org/Access_book.php?sigle=HDV&page=5

PURUSHA INAFFECTÉ PAR LES MODIFICATIONS INDIVIDUELLES
p.59
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Purusha est cependant le principe essentiel de toutes choses, puisque c'est lui qui détermine le développement des possibilités de Prakriti ; mais lui-même n'entre jamais dans la manifestation, de sorte que toutes choses, en tant qu'elles sont envisagées en mode distinctif, sont différentes de lui, et que rien de ce qui les concerne comme telles (constituant ce qu'on peut appeler le « devenir ») ne saurait affecter son immutabilité. « ainsi la lumière solaire ou lunaire (susceptible de modifications multiples) paraît être identique à ce qui lui donne naissance (la source lumineuse considérée comme immuable en elle-même), mais pourtant elle en est distincte (dans sa manifestation extérieure, et de même les modifications ou les qualités manifestées sont, comme telles, distinctes de leur principe essentiel en ce qu'elles ne peuvent aucunement l'affecter). Comme l'image du soleil réfléchie dans l'eau tremble ou vacille, en suivant les ondulations de cette eau, sans cependant affecter les autres images réfléchies dans celle-ci, ni à plus forte raison l'orbe solaire lui-même, ainsi les modifications d'un individu n'affectent pas un autre individu, ni surtout le Suprême Ordonnateur Lui-même » (1), qui est Purushottama, et auquel la personnalité est réellement identique en son essence, comme toute étincelle est identique au feu considéré comme indivisible quant à sa nature intime.

C'est l'« âme vivante » (jîvâtmâ) qui est ici comparée à l'image du soleil dans l'eau, comme étant la réflexion (âbhâsa), dans le domaine individuel et par rapport à chaque individu, de la Lumière, principiellement une, de l’« Esprit Universel » (Atmâ) ; et le rayon lumineux qui fait exister cette image et l'unit à sa source est, ainsi que nous le verrons plus loin, l'intellect supérieur (Buddhi), qui appartient au domaine de la manifestation informelle (2). Quant à l'eau, qui réfléchit la lumière solaire, elle est habituellement le, symbole du principe plastique (Prakriti), l'image de la « passivité universelle » ; et d'ailleurs ce symbole, avec la même signification, est commun à toutes les doctrines traditionnelles (3). Ici, cependant, il faut apporter une restriction à son sens général, car Buddhi, tout en étant informelle et supra-individuelle, est encore manifestée, et, par suite, relève de Prakriti dont elle est la première production ; l'eau ne peut donc représenter ici que l'ensemble potentiel des possibilités formelles, c'est-à-dire le domaine de la manifestation en mode individuel, et ainsi elle laisse en dehors d'elle ces possibilités informelles qui, tout en correspondant à des états de manifestation, doivent pourtant être rapportées à l'Universel (4).
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NOTES
(1) Brahma-Sûtras, 2e Adhyâya, 3e Pâda, sûtras 46 à 53.
Nous rappelons que nous suivons principalement, dans notre interprétation, le commentaire de Shankarâchârya.

(2) Il faut remarquer que le rayon suppose un milieu de propagation (manifestation en mode non-individualisé), et que l'image suppose un plan de réflexion (individualisation par les conditions d'un certain état d'existence).

(3) On peut, à cet égard, se deporter en particulier au début de la Genèse, 1, 2 : « Et l'Esprit Divin était porté sur la face des Eaux. » Il y a dans ce passage une indication très nette relativement aux deux principes complémentaires dont nous parlons ici, l'Esprit correspondant à Purusha et les Eaux à Prakiti. A un point de vue différent, mais néanmoins relié analogiquement au précédent, le Ruahh Elohim du texte hébraïque est aussi assimilable à Hamsa, le Cygne symbolique, véhicule de Brahmâ, qui couve le Brahmânda, l'« OEuf du Monde » contenu dans les Eaux primordiales ; et il faut remarquer que Hamsa est également le « soufle » (spiritus), ce qui est le sens premier de Ruahh en hébreu. Enfin, si l'on se place spécialement au point de vue de la constitution du monde corporel, Ruahh est l'Air (Vâyu) ; et, si cela ne devait nous entraîner à de trop longues considérations, nous pourrions montrer qu'il y a une parfaite concordance entre la Bible et le Vêda en ce qui concerne l'ordre de développement des éléments sensibles. En tous cas, on peut trouver, dans ce que nous venons de dire, l'indication de trois sens superposés, se référant respectivement aux trois degrés fondamentaux de la manifestation (informelle, subtile et grossière), qui sont désignés comme les « trois mondes » (Tribhuvana) par la tradition hindoue. -Ces trois mondes figurent aussi dans la Qabbalah hébraïque sous les noms de Beriah, letsirah et Asiah ; au-dessus d'eux est Atsiluth, qui est l'état principal de non-manifestation.

(4) Si on laisse au symbole de l'eau sa signification générale, l'ensemble des possibilités formelles est désigné comme les « Eaux inférieures », et celui des possibilités informelles comme les « Eaux supérieures ». La séparation des « Eaux inférieures » et des « Eaux supérieures », au point de vue cosmogonique, se trouve encore décrite dans la Genèse, I 6 et 7 ; et il est à remarquer que le mot Maïm, qui désigne l'eau en hébreu, a la forme du duel, ce qui peut, entre autres significations, être rapporté au « double chaos » des possibilités formelles et informelles à l'état potentiel. Les Eaux primordiales avant la séparation, sont la totalité des possibilités de manifestation, en tant qu'elle constitue l'aspect potentiel de l'Etre Universel, ce qui est proprement Prakriti. Il y a encore un autre sens supérieur du même symbolisme, qui s'obtient en le transposant au delà de l'Etre même : les Eaux représentent alors la Possibilité Universelle, envisagée d'une façon absolument totale, c'est-à-dire en tant qu'elle embrasse à la fois, dans son infinité, le domaine de la manifestation et celui de la non-manifestation. Ce dernier sens est le plus élevé de tous ; au degré immédiatement inférieur, dans la polarisation primordiale de l'Etre, nous avons Prakriti, avec laquelle nous ne sommes encore qu'au principe de la manifestation. Ensuite, en continuant à descendre, nous pouvons envisager les trois degrés de celle-ci comme nous l'avons fait précédemment : nous avons alors, pour les deux premiers, le « double chaos » dont nous avons parlé, et enfin; pour le monde corporel, l'Eau en tant qu'élément sensible (Ap), cette dernière se trouvant d'ailleurs comprise déjà implicitement, comme tout ce qui. appartient à la manifestation grossière, dans le domaine des « Eaux inférieures », car la manifestation subtile joue le rôle de principe immédiat et relatif par rapport à cette manifestation grossière. - Bien que ces explications soient un peu longues, nous pensons qu'elles ne seront pas inutiles pour faire comprendre, par des exemples, comment on peut envisager une pluralité de sens et d'applications dans les textes traditionnels.